
Au salon de l’Agriculture, la transition agroécologique est partout. Elle s’accompagne d’une kyrielle de nouveaux labels pour rassurer Français sur leur alimentation. Mais attention à l’indigestion : leur multiplication ne doit pas faire oublier les enjeux stratégiques des marques alimentaires demain.
AVANT / APRES : L’EXPLOSION DES LABELS
Les Français se préoccupent du contenu de leur assiette. Et les marques l’ont bien compris : entreprises, coopératives ou distributeurs proposent une avalanche de nouveaux labels, relevant des dernières règlementations ou d’initiatives privées. L’enjeu pour ces acteurs : montrer patte blanche et s’inscrire dans une dimension d’entreprise citoyenne, plus respectueuse des hommes, des bêtes et de l’environnement.

Sous la pression des locavores, des cocardes bleu-blanc-rouge ont envahi les linéaires. Les « sans résidus de pesticides » essaiment à l’initiative de coopératives locales. Les aficionados du bio reluquent vers les produits estampillés Demeter ou Bio Cohérence aux cahiers des charges plus sévères.
A ces nouveaux pictogrammes s’ajoutent la généralisation progressive du Nutriscore adopté par de plus en plus d’entreprises (Pepsico, Kellogg’s, Nestlé, Danone, Fleury Michon et les MDD). Ou encore le nouvel étiquetage du bien-être animal, fruit d’une concertation entre ONG et Casino. Enfin, les distributeurs se lancent également dans une politique d’étiquetage citoyen, à l’image du Franco-score d’Intermarché ou le Savoir d’Achat de Leclerc qui indiquent tous deux origine des ingrédients et lieu de fabrication.
NOUVEAU PARADIGME : L’ALIMENTATION INCLUSIVE
Ces nouveaux labels révèlent un changement dans notre appréhension de l’alimentation. D’une part, les politiques de santé ont fini par inculquer durablement l’idée que notre santé résulte d’une alimentation saine et variée. D’autre part, les entreprises de l’agro-alimentaire redoublent d’efforts pour restaurer un climat de confiance après des années de suspicion et de scandales. Résultat : en rayons, ce sont moins les visuels appétissants que les labels de qualité que regardent les consommateurs, à commencer par les millennials. Avec en tête ce nouveau paradigme :
Chaque produit alimentaire n’est plus perçu comme une finalité déconnectée de son environnement. Il est le maillon final d’une chaîne de production allant du champs à l’assiette.
A chaque étape, cette chaîne doit être vertueuse en répondant aux engagements citoyens, environnementaux et de santé. Que le biscuit soit croustillant, soit, mais ses ingrédients sont-ils français, issus d’une agriculture a minima raisonnée avec une juste rémunération de ses agriculteurs et transformé sur un site certifié HVE ?
ATTENTION A L’INDIGESTION…
Si cette multiplication de labels peut rassurer un shopper en quête d’une consommation de sens, elle peut aussi engendrer des effets pervers pour les marques.
Primo : Trop de labels tuent leur crédibilité. Attention à ne pas créer un nouveau climat de défiance face à ce déferlement soudain de bonnes intentions. Lesquels parviendront à développer suffisamment de notoriété pour être reconnus et jugés fiables ?
Deuxio : attention à l’effet de nivellement de l’offre. Le déploiement massif de ces labels entrainera de facto leur banalisation, profitant prioritairement aux marques de distributeurs en quête d’image et de légitimité. Comment les marques nationales parviendront alors à valoriser leurs propres engagements pour se démarquer ?
Tertio : la taille d’un packaging n’étant pas extensible, les marques devront mettre de l’ordre dans ces labels sous peine de voir l’impact des marques parasité par ces nouveaux clignotants. Parcourez les linéaires : il y a déjà quelques cas « d’agri-wahsing » qui frisent le conflit d’intérêt.
ET LES MARQUES ALORS ?
Ne nous voilons pas la face : il ne suffira pas de quelques pictos pour illustrer ce concept d’une alimentation inclusive plus vertueuse, en interaction avec les hommes et l’environnement. Nombre de grandes marques alimentaires devront repenser leur stratégie de branding. En attestent déjà quelques exemples outre-Atlantique avec la tendance à l’artisanalisation (craftsmanship).
Cette nouvelle appréhension de notre écosystème alimentaire sonne le glas des marques toutes puissantes aux graphismes guerriers, affichant une forme d’arrogance qui cadre mal avec des consommateurs désormais en quête d’authenticité, de savoir-faire et d’engagement. Retour à l’humilité donc, aux marques de producteurs, aux petits faiseurs, aux artisans du bon.
Il y a là tout un langage de marque à révolutionner : visuel, sémantique et symbolique. En se reconnectant à leurs racines et à leurs savoir-faire, en misant sur des filières plus respectueuses des hommes et de la nature, en acceptant une transparence devenue nécessaire, les marques trouveront la source d’une légitimité rétablie auprès de leurs consommateurs mais aussi de nouveaux leviers de différenciation durable.
Ces nouveaux labels militent pour une nouvelle appréhension de la chaîne alimentaire dont les marques seront le fer de lance demain. Il s’agira moins de rassurer des consommateurs par défaut en multipliant les labels que de repenser les marques dans leur expression visuelle. Parions-le : l’agro-responsabilité deviendra un enjeu stratégique dans les prochains mois.